Le sisu des Finlandais pour braver la pandémie

Temps de lecture: 11 minutes

Au moment où j’écris ces lignes, on est dans la deuxième vague de la pandémie. La fascination que j’ai pour les pays nordiques m’a enseigné quelque chose de très pertinent en cette période tumultueuse. Après le hygge des Danois, c’est maintenant au tour du sisu des Finlandais! 

Cette fascination a commencé il y a plus d’une dizaine d’années, alors que j’étais en pleine déscolarisation, tout en apprenant que les Finlandais avaient les meilleurs résultats scolaires mondiaux en faisant moins d’heures de cours et en n’ayant aucun devoir à faire à la maison. 

Quelques années plus tard, en lisant Le Livre du Hygge : mieux vivre : la méthode danoise, j’étais encore plus curieuse quand j’ai appris que les pays nordiques sont ceux qui remporte les premières places à l’échelle mondiale du bonheur, année après année. La Finlande a remporté en 2020, pour la troisième année consécutive selon le World Happiness Report, le pays le plus heureux. Mais une chose me chicotait après avoir terminé ma lecture. À la page 63 du livre sur le hygge, le côté obscur du hygge; « Il est presque impossible de se faire une place dans les cercles sociaux ici [Danemark]. ».

Dans le but de mieux comprendre l’apparent manque de chaleur des Scandinaves, j’ai demandé l’avis d’une maman sur Instagram, parent-éducateur en plus, d’origine finnoise qui m’a généreusement dirigé vers des ressources pour mieux comprendre les Finlandais. Comme les Danois, les Finlandais ont aussi un mot qui gagne à être découvert, le sisu

Après que le hygge des Danois m’ai permis de partir à la découverte du bien-être intérieure, j’avais hâte de découvrir ce que les Finlandais pourraient bien m’apprendre. 

J’ai donc lu le livre, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure de Katja Pantzar. Selon l’auteur d’origine Finnois-Canadienne, qui a décidé d’aller habiter la Finlande pour de bon, le sisu est: « Cette caractéristique unique en son genre, c’est la volonté de fer des Finlandais, cette détermination qui leur interdit de renoncer ou de choisir la solution de facilité. C’est ça avoir du sisu à revendre. » (1)

J’aime bien cette nuance à la définition du sisu à la page 34 du même livre, « Bien que le sisu puisse avoir partie lié avec le sport, pour moi c’est une sorte d’endurance, de résilience quotidienne afin d’arriver à ce que tout continue de fonctionner. Même dans les périodes un peu grises de la vie. Il ne s’agit pas d’être compétitif, de gagner un marathon, mais de survivre et s’épanouir dans son quotidien.» 

Je comprends que le sisu n’est pas une pression extérieure de performance, mais plutôt un désir de passer au travers d’une situation difficile et même de s’épanouir au passage. 

Développer son sisu 

Certains aspects exploré dans le livre de Katja Pantzar ont retenu mon attention, comme le fait qu’on peut développer notre sisu comme on le fait avec un muscle, en l’utilisant. Ce qui est très positif du sisu est que cette force mentale, cette résilience n’est pas un aspect fixe, un gène dont on hérite ou pas. Avec les activités qu’on choisit de faire et avec le choix de voir les difficultés qu’on rencontre d’une façon différente, on améliore notre sisu, notre force intérieure. 

L’auteure nous donne un exemple concret de cette résilience en plein développement grâce à l’exploit de tremper pour la première fois de sa vie ses orteils dans l’eau glacée de la Mer baltique; « Je suis passée du « Je ne peux pas » et du « Je suis trop fatiguée » au « Je vais essayer », qui a fini par devenir un « Waouh, ça fait du bien », bientôt suivi du « Si je peux faire ça, qu’est-ce que je pourrais bien faire d’autre? »  

Santé mentale 

Même si le sisu est souvent associé aux sports et à l’activité physique comme de pédaler même en hiver pour aller au travail beau temps, mauvais temps (les pistes cyclables à Helsinki, la capitale de la Finlande, sont non seulement déneigé l’hiver, elles sont planifiées pour faire le moins d’arrêts possible), le sisu ça se passe au niveau du mental. 

« Même monter sur mon vélo par une sinistre journée humide et sombre devient un exercice de stimulation du sisu; oui, je peux le faire. Je ne vais pas laisser mon vélo à la maison parce que la météo n’est pas optimale. J’adopte l’attitude du gamin chaussant ses bottes pour le plaisir d’aller sauter dans les flaques. » (2)  

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La nature

J’ai déjà expérimenté les effets antidépresseurs des douches froides et avec la lecture de ce livre j’étais maintenant curieuse de découvrir de nouvelles façons de favoriser une bonne santé mentale avec le sisu. La nature est un aspect souligné dans le livre et qui m’intéresse grandement, parce que je sais déjà à quel point un bain de forêt me fait du bien, mais je n’avais pas fait le lien entre la dépression et l’anxiété et le manque de connexion avec la nature dont l’auteure parle. 

 «Avant mon installation en Finlande, il est probable que mon absence de connexion avec les forêts et la nature a contribué à nourrir ma dépression et mon anxiété. Cela ne faisait tout simplement pas partie de ma vie quotidienne.» (3)

Les Finlandais aiment la nature! Le temps passé en nature, soit au chalet rustique l’été, pendant les balades en forêt par toutes les saisons et toutes conditions, la connexion avec la nature est une source de bien-être mentale et une occasion de développer le sisu

« Pour les Finlandais, la forêt s’apparente à une église, ou à un temple. » (4)

Grandir en Finlande 

En Finlande, c’est habituel de voir des enfants de sept ou huit ans libres de se promener, de faire du vélo ou de prendre les transports en commun tout seul (5). C’était aussi le cas quand j’étais jeune dans les années 70, mais depuis les choses ont changé et c’est maintenant souvent vu d’un mauvais oeil de laisser les enfants se promener librement parce que la peur et le jugement pousse à mettre des limites là où les Finlandais vivent plutôt la confiance. 

L’école 

Dix pour-cent seulement des candidats au programme de maitrise en éducation sont admis et la formation dure cinq ans. Pour ceux qui sortent avec leur diplôme en poche, la confiance est de mise (6). 

« Les enseignants jouissent d’une certaine indépendance, et une grande confiance leur est accordée pour faire leur travail de la façon qu’ils jugent la meilleure. Ici, évaluations standardisées et inspections gouvernementales ne sont pas de mise. La culture de la confiance est une caractéristique de la société finlandaise dans son ensemble, mais elle est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation, précise Pasi Sahlberg. » (7).

« ...si l’on accorde sa confiance à quelqu’un pour accomplir quelque tâche que ce soit, il fera un bien meilleur travail que si règne un sentiment de méfiance à l’égard de son rendement, et que lui sont imposés toutes sortes de contrôles et de règlements. » (8). Je ne peux qu’être d’accord parce que c’est aussi ma vision en tant que parent. Si la méfiance qui est le résultat de mes peurs et de mes inquiétudes pollue la relation avec mon enfant, en plus de briser la relation à petit feu, l’enfant perd graduellement confiance en lui-même et en nous. 

Plus j’avançais dans ma lecture de ce magnifique livre, plus ça disait; oui! Il y a des aspects comme la confiance, qui est une valeur importante dans ma relation avec mes enfants. Comme je connais les effets d’une relation où la confiance n’a pas résisté aux agressions émotionnelles, c’était une priorité pour moi de favoriser que mes enfants aient confiance en moi. Je leur ai offert en premier, mais ç’a donné le ton de notre relation qui en est une de confiance des deux côtés. 

C’est à l’âge de sept ans (9) que les Finlandais commencent l’école et « Dès le début, l’indépendance et l’autonomie sont privilégiées.» (10).

Je pense avoir trouvé la clef du succès des Finlandais au bonheur et aux bons résultats scolaire, le jeu. Aviez-vous lu le livre de Peter Gray sur ce sujet? 

« Il a souligné aussi l’importance essentielle de trois points spécifiques: le jeu, la confiance et la santé. Ce qui rend l’approche finlandaise unique en son genre, c’est l’accent qui est mis sur un jeu libre et non structuré, centré sur l’enfant. À nos yeux, le jeu exerce une influence déterminante dans le développement, la construction de l’identité et de l’estime de soi. Nous considérerons que pour en arriver là, les enfants ont besoin de temps.» (11).

Petite enfance 

Les parents désirant rester à la maison avec leurs enfants peuvent le faire jusqu’à l’âge de trois ans (12). Et une fois à la garderie, les petits continueront de développer leur sisu en allant jouer dehors tous les jours avec des vêtements appropriés fournis par l’état (13). 

« On y retrouve à chaque fois une variante du même dicton basé sur l’idée commune selon laquelle il n’y a pas de mauvais temps, mais seulement des tenues inappropriées. » (14).

« En Finlande, la classe de maternelle ne se focalise pas sur la préparation scolaire des enfants, écrit-il. Son objectif est plutôt de s’assurer que tous les enfants sont des individus heureux et responsables. » (15). Non, mais, ce n’est-tu pas magnifique ça! Arrêtons de penser qu’on sera heureux une fois qu’on aura fait nos preuves, une fois que nous serons à la retraite et commençons par le plus important, trouver notre bonheur maintenant.

Pour favoriser le bonheur des parents finlandais, seulement 17.1% de leurs revenus sont consacrés à la garde des enfants contre 32,3% pour les familles canadiennes (16). Plus le revenu d’une famille est élevé, plus le montant consacré à la garde des enfants monte. 

Small is beautiful 

Il y a plusieurs façons de voir le bonheur et ce que je constate chez les Finlandais est qu’ils ne le trouvent pas le bonheur dans la surconsommation parce qu’il règne une « Désapprobation au matérialisme clinquant et à l’exposition excessive de ce qu’on possède. » (17). Les Finlandais sont minimalistes et pratique la consommation réfléchie parce que « L’éthique communautaire du Small is beautiful est présente dans de nombreux domaines du quotidien finlandais, assorti de l’idée réconfortante qu’on n’a pas besoin de beaucoup d’argent pour réussite sa vie. » (18) 

Être bien dans son corps 

Une source de malaise chez beaucoup de Nord-Américains, le corps. Et principalement l’aspect de notre corps. Même avec le mouvement de #bodypositivity on a du chemin à faire pour que chaque femme et chaque homme puisse vivre une relation bienveillante avec leur corps. Laissons-nous inspirer des Finlandais qui permettent à leur enfant de ne pas valoriser les corps parfaits des médias, mais plutôt de prendre conscience que tous les corps sont différentes grâces à la fréquentation des piscines et saunas publics. 

« Ainsi, très tôt les enfants savent que garçons et filles n’ont pas exactement la même morphologie et qu’il n’y a vraiment pas de quoi en faire une montagne. Je suis sûre que cela leur apprend à être plus à l’aise avec leur corps, car ils ne sont pas encouragés à penser qu’il faudrait le couvrir ou en avoir honte. De la sorte, chacun grandit aussi en ayant croisé tous les types de morphologie possibles. On prend ainsi conscience que la norme ce n’est pas celle des images de corps parfaits, ultrasylisées et retouchées, dont nous inondent magazines et réseaux sociaux.» (19). « Mon fils, comme la majorité des enfants du pays, grandit entre piscine et saunas publics. Il est obligatoire de prendre une douche avant chaque sauna, aussi les plus jeunes ont-ils alors l’occasion de découvrir l’anatomie de gens de tous âges.» (20).

Le côté négatif

Si vous en doutiez, les Finlandais sont bel et bien des humains et je constate leur caractère humain dans les côtés moins reluisants, entre autres au niveau du sisu. « Le côté négatif du sisu, c’est de croire que demander de l’aide est un signe de faiblesse... Dans un contexte contemporain, avoir trop de sisu, cela peut signifier qu’on se met trop de pression et qu’on ne sait pas s’arrêter ou demander de l’aide, au prix d’un risque d’épuisement professionnel, le fameux burn-out, et d’autres sérieux problèmes de santé. » (21)  

Depuis la lecture de ce livre, j'ai été marché dans un beau parc, une forêt en ville, près de chez-moi plus souvent. En plus de profiter des magnifiques couleurs de l'automne, j'ai senti en moi le désire de marcher, peu importe la température quitte à emporter un parapluie avec moi. Ce que j'ai fait deux fois! Être dans la nature plus souvent m'a fait du bien, comme une bouffée d'air pour mon moral en plus de me faire ressentir cette chaleur intérieure propre au hygge. Décidément les pays nordiques m'ont appris beaucoup de choses pour faire une différence positive dans ma vie et de façon simple qui résonne en moi.








Julie xo

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  1. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 19

  2. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 124

  3. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 33

  4. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 86

  5. « En Finlande, la peur semble absente de l’espace public. Des enfants âgés de sept ou huit ans se baladent, vont à vélo ou prennent les transports en commun tout seuls pour se rendre à l’école. », Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 121

  6. « ...on compte moins de 10% admis parmi les candidats au programme de maitrise, qui dure cinq ans. » Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 118

  7. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 118

  8. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p 118

  9. « Les petits Finlandais commencent l’école à l’âge de sept ans seulement - contre cinq au Royaume-Uni et cinq ou six au Canada. », Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 113

  10. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 114

  11. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 116

  12. « Notre politique permet à un des parents, s’il le désire, de rester à la maison avec l’enfant jusqu’à l’âge de trois ans. », Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 116

  13. « Le système fait en sorte que tous les enfants disposent de vêtements de pluie et de combinaison d’hiver assez chaudes, ainsi que des bonnets, écharpes et moufles nécessaires. » , Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 112

  14. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 112

  15. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p.115

  16. « ...les familles canadiennes consacraient 32,3% de leurs revenus à la garde d’enfants: la proportion passe à 33,8% au Royaume-Uni dans le cas d’un ménage à deux salaires. En Finlande, le chiffre n’est que de 17,1%. », Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 111

  17. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p- 160-161

  18. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 167

  19. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 70 

  20. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 70

  21. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure, p. 43

  22. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure,

  23. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure,

  24. Katja PANTZAR, Les finlandais sont des gens heureux - Le sisu ou comment retrouver sa force intérieure,