« Tu ne t’en souviendras plus le jour de ton mariage. » Ce que les punitions m’ont appris.
J’écris cet article parce que c’est à travers la souffrance de mon enfance que j’ai trouvé la force d’adopter une éducation bienveillante avec mes garçons. Avec un peu de patience on découvre les cadeaux de notre souffrance.
Je ne sais pas pourquoi, en plus d’avoir beaucoup de souvenirs de mon enfance, je ressens encore les émotions reliées à ces souvenirs lorsque je me les remémore (qui d'autre est comme ça ?). Ça été une très grande source de souffrance et aussi un atout en tant que maman ne voulant pas faire vivre cette souffrance à mes enfants.
Petite fille sensible
Assez tôt j’ai compris des punitions le message suivant: j’ai fait quelque chose de mal. À genoux sur le prélart dans le coin de la cuisine, je me souviens clairement de la douleur physique et de l’intensité de la tristesse qui me coupait le souffle. À travers mes larmes, je me demandais pourquoi mes parents me faisaient du mal. Qu’est-ce que j’avais fait de si grave pour mériter une souffrance aussi profonde. Je me souviens que bien souvent je ne saisissais pas ce que j’avais fait de mal. Ma perception du monde en tant qu’enfant était différente de celle de mes parents. Je me demandais aussi pourquoi ce sont les adultes qui décident ce qui est bon et ce qui est mal.
Pour une petite fille sensible comme moi, certains de ces moments ont été traumatisant. Mes parents me disaient « Tu ne t’en souviendra plus le jour de ton mariage. » Un sentiment d'impuissance grandissait en moi parce que je ne me sentais pas en sécurité émotionnellement. À cet âge, les colères et les punitions semblaient arriver de nul part. Ça m’a pris du temps à être capable de savoir quels comportements ou mots pourraient me valoir la désapprobation de mes parents. J’étais sur mes gardes, en attente de la prochaine crise. Avec le sentiment d’impuissance est venue la peur. J’avais peur de mes parents et je sentais une coupure dans le lien qui m’attachait à eux. Je ne pouvais pas leur faire confiance.
Au fil des années et des punitions, « Je fais quelque chose de mal » s’est transformé en « Je suis mal » ou « Je ne suis pas assez une gentille fille ». La culpabilité d’avoir fait quelque chose de mal s’est transformée en la honte d’être qui je suis. Le message s’est ancré en moi d’une façon quasi permanente. Encore dans la quarantaine j’observe certains de mes comportements et pensées directement liés à ce message.
Il a infecté les autres parties de ma vie. Ça été très facile d’acquérir la croyance « Je ne suis pas assez bonne à l’école ». Je faisais tout en mon possible pour passer inaperçu pendant la classe pour éviter qu’on me pose une question ou qu’on me demande de lire à voix haute. J’avais peur de faire une erreur et vivre la honte d’être moi.
En amitié aussi. Ma croyance que je dois avoir honte de moi pour des raisons qui n’étaient pas très clair, a fait naître en moi un sentiment d’infériorité dans mes relations. Je ne me demandais pas si j’aimais jouer avec cette amie, mais plutôt ce que je pouvais faire pour qu’elle aime jouer avec moi.
Je ne ressentais pas le poids de ces croyances à toutes les minutes de chaque jours. Mais au fil des années, j’ai accumulé des preuves de « Je ne suis pas assez...» renforçant mon sentiment de honte. Je sais maintenant que ces preuves étaient déformées par ma fausse perception des événements. Je voyais à travers des lunettes teintées de croyances favorisant la honte de moi. Rendue à l’adolescence mon quotidien était sombre et triste.
Devenir une mère
Je me souviens quand j'étais une jeune maman les premières fois où j'ai disputé mes enfants. Le moment où leurs larmes commençaient à couler était le moment où ma frustration et ma colère s’évaporait comme neige au soleil. Mon cœur était touché. Je me souvenais de ma propre souffrance. C’est alors que je choisissais. Mon enfant au lieu de ma culpabilité. Mon enfant au lieu de ma honte et de ma colère. Je revenais dans l’empathie, la compassion et la connexion avec mon enfant plutôt que le jugement et les réflexes de punition.
Je me souviens aussi de comment je me sentais dans mon enfance entre deux punitions ou des critiques. Je me souviens de cette énergie de joie légère qui m’emplissait. Me faisant voir la vie comme la plus belle des choses. Quand je sens en moi le besoin de plus de liberté, c’est cette énergie qui m’appelle. Cette énergie exempte de peurs et de la honte de soi.
Je crois que les enfants naissent avec cette belle énergie et qu’en vieillissant leur lumière interne, leur joie est contaminé par la « réalité » du monde des adultes. Imaginons deux boutons de thermostat. Le premier est celui de l’énergie, de la joie et la légèreté de se souvenir de notre vraie nature d’amour et de lumière. Le deuxième est celui des peurs, des croyances favorisant la honte de soi, etc. Lorsqu’on naît, le bouton de la joie est à 10 et le bouton de la peur est à 0 ou 1. Avec les années notre bouton de joie décroît et celui de la peur augmente. Jusqu’à un point où parfois on oublie le bouton de la joie ou on se sent coupable de vivre de la joie. Exemple: se sentir coupable de manger (des sushis), un bon repas au restaurant alors que les enfants en Afrique manquent de nourriture. On a apprit à se sentir coupable et à diminuer notre joie de vivre à force d’entendre des phrases comme « Tu es chanceuse d’avoir un bon repas alors qu’il y a des enfants en Afrique qui manquent de nourriture! ». Avoir été exposé à un environnement favorisant le sentiment de culpabilité fait en sorte que malgré nous, on expose nos enfants.
Le cercle n’est pas encore fermé. Lorsque mes garçons auront des enfants, ça sera le moment où je pourrai constater à quel point j’ai permis à la violence de s’éteindre et à l’amour de briller. Mais ce ne sera pas un test. Comme j’accepte qui je suis avec cette violence en moi, j’accepte mes enfants comme ils sont.
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Déjà dans mon enfance je savais intuitivement que la violence faite aux enfants et pas seulement celle qui laisse des traces sur le corps avait un impact négatif, et ce tout au long de la vie. Cette violence, acceptable pour une grande partie de la population, que j’ai vécue dans mon enfance a fait en sorte que j’avais une très faible estime de moi-même, que j’avais tendance à broyer des idées noires et que j’avais des croyances sur moi-même, sur mes capacités, sur ma valeur et tout, tout, tout, très négatives. J’étais loin de me douter qu’un jour la science allait prouver ce qu’intuitivement j’avais compris depuis longtemps.