Les enfants ne sont pas nos esclaves
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Dans mon rêve, j’habite chez mes parents. Moi, mon père et mes garçons prépareront nos vacances. Je me sens excité de choisir une destination nature qui me fait toujours tellement de bien.
Depuis la chambre de Léo, j’entends ma mère crier mon nom. Elle me demande de ranger une boite. Elle enchaine sur des reproches en disant que je ne range pas assez vite mes choses lorsqu’elle me le demande. Comme quand j’étais jeune, ma réaction est l’exaspération. Quand je vais finalement dans la cuisine, je ramasse ma boite vide de souliers et je vois deux autres boites qui trainent, celles de ma mère.
Ce rêve portait probablement un sens plus profond, mais il me fait pensé qu’en tant que parents ont ne se rend pas compte de la pression qu’on met sur les enfants avec nos demandes. Non seulement ont leur fait de multiples demandes, mais on s’attend que ça soit fait dans les plus brefs délais. Parce que le bordel nous dérange. Nous.
En tant qu’enfant, ces multiples demandes me faisaient sentir comme un robot plutôt qu’un être humain. Ces demandes répétitives et les reproches subséquents faisaient en sorte que je n’avais pas le gout de faire plaisir à quelqu’un qui ne semblait pas se soucier de mon bien-être à moi. Quelqu’un qui m’enlevait mon humanité en me traitant comme un esclave.
Ce rêve m’a replongé dans cette énergie tellement désagréable.
Je sentais combien ça brisait la connexion et la relation avec mon parent. Combien je me sentais vulnérable au pouvoir de l’autre. Je sentais que je n’avais pas de pouvoir sur ma vie. Des demandes nous paraissant banales à nous les parents et dont on n’est malheureusement pas trop conscient des répercussions sur l’enfant. Quand les parents ne se questionnent pas pour comprendre ce que vit leur enfant, ils ne remettent pas en question leurs méthodes qui sont souvent inefficaces. C’était très rare que j’allais porter mes vêtements dans ma chambre au moment où on me le demandait. En fin de compte, l’enfant vit le stress de la pression qui est mis sur lui.
On me reprochait de faire exprès de ne pas exécuter l’ordre aussitôt qu’on me le donnait et c’est en partie vrai. J’avais besoin de sentir que j’avais du pouvoir sur ma vie et de ne pas exécuter l’ordre comme un bon petit soldat me donnait cette opportunité. À ce moment-là, je n’étais pas consciente de cet aspect. Je ne comprenais pas dans les détails les raisons qui motivaient ce délai pour exécuter l’ordre. C’était plus fort que moi. “J’ai pas le temps, j’ai pas le gout” est ce que je répondais quand on me demandait pourquoi je n’allais pas porter tout de suite mes vêtements dans ma chambre. Mes réponses mettaient de l’huile sur le feu et m’attiraient encore plus de reproches.
Le stress associé avec la pression que ça me faisait vivre est ce qui m’a motivé à ne pas reproduire ces demandes qui sont finalement des ordres. C’était en premier pour offrir du respect à mes enfants, faire en sorte qu’ils ne se sentent pas des robots, mais plutôt des enfants qui ont du pouvoir sur leur vie. Je ne voulais pas qu’ils vivent ce genre de stress qui à la longue peut se transformer en anxiété. Le respect permet de favoriser la connexion avec mes enfants qui se sentent aussi importants que moi.
J’ai souvent échoué, surtout quand ils étaient petits avec tous ces jouets.
Ma façon de penser en ce qui concerne l’aide que les enfants peuvent nous apporter est quelque chose à laquelle j’ai beaucoup pensé. J’ai lu et écouté Naomi Aldort et j’ai trouvé une façon de voir qui je le sentais n’allait pas mettre trop de pression aux enfants. Une vision qui avait du sens dans mon cœur.
Encore aujourd’hui je continue de faire des demandes respectueuses.
Plus l’enfant est petit, moins il y a de demandes
Plus l’enfant est petit, moins je lui fais de demandes. Et je n’oserais pas avoir des exigences avec lui. Pas de tâches ménagères à 6 ans, en fait, mes enfants n’ont jamais eu de tâches ménagères. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’en font pas ou qu’ils n’aident pas quand on leur demande. Mais ça, c’est pour un autre article!
Mes demandes ont évoluées en même temps que mes garçons ont vieilli. Ma façon de voir est que lorsque l’enfant est petit, il n’y a pas de demande en lien avec les responsabilités familiales. Au fur et à mesure que mes enfants ont vieilli, j’ai commencé à faire des demandes. “Peux-tu m’aider à ranger les jouets? “J’ai mal à la tête, peux-tu faire moins de bruit svp?”
Être responsable
Pour moi c’est une évidence. C’est moi et mon conjoint qui avons la responsabilité des enfants, c’est nous qui avons décidé d’avoir des enfants, pas eux. On a acheté une maison, on a acheté des jouets, on a créé certaines conditions et on en prend la responsabilité. Je ne fais pas porter cette responsabilité à mes enfants.
Avec le temps, ma façon de voir les jouets qui trainent a muri. J’ai compris que c’est ma responsabilité d’offrir à mes enfants un système de rangement qui leur permet de faciliter le rangement. J’avais lu quelque part qu’en tant qu’adulte on n’appréciait pas que tous nos ustensiles de cuisine et les outils qu’on utilise pour préparer nos repas soient dans un bac pêle-mêle. C’est ce que vivent les enfants avec les gros bacs qu’on achète pour y dompter tous leurs jouets.
J’étais assez fière de moi quand je suis tombé sur des boites à la quincaillerie parfaite pour ranger les Playmobil à Léo. Les boites qu’on a trouvées sont vraiment géniales. C’est fait pour des petits objets comme des vis et des clous. Il y a différent format de contenants dans une même boite et quand on ouvre la boite, on voit tous les objets en même temps. Léo passait presque autant de temps à ranger dans ses boites qu’à jouer. Le fait qu’il a un moyen de prendre soin de ses jouets est ce qui je crois lui permettait d’avoir du plaisir à ranger. Ce que j’ai rarement vécu pendant mon enfance et mon adolescence.
Être responsable, ça veut dire trouver des solutions pour faciliter le quotidien. Bonus, nos enfants voient que la créativité est aussi dans les détails apparemment insignifiants du quotidien, mais qui font toute la différence.
Une demande, pas un ordre
Quand je demande quelque chose à un adulte, il va s’en dire que je sais que la personne a le droit de refuser, que c’est une possibilité. Je donne aussi cette possibilité à mes enfants parce que je veux qu’ils sentent avoir du pouvoir sur leur vie.
Plus tellement maintenant parce qu’ils le savent après de nombreuses répétitions, mais quand ils étaient plus jeunes je leur disais qu’ils avaient le droit de refuser et que je ne serais pas fâché. Et quand je faisais une demande qui me tenait beaucoup à coeur, que ce soit parce que j’avais vraiment envie de visiter un endroit en particulier avec eux ou que j’avais besoin d’aide parce que j’étais malade, je leur disais aussi.
Quand ils refusent, je m’assure de les respecter en ne faisant pas de reproches et de ne pas exhiber des comportements non verbaux de reproches. Je respecte à 100% leurs refus. C’est rare qu’ils refusent. Je crois qu’ils se sentent libres et surtout, que mes demandes ne sont pas régulières.
Une demande respectueuse
Autre chose, jamais je n’exige que quelque chose soit rangé aussitôt que je le demande. Si c’est si pressant pour moi, j’en prends la responsabilité et je vais le ranger moi-même.
Quand j’ai terminé de plier les vêtements, je dépose le bac en haut des marches pour que Benjamin ou Léo le descende avec eux. Ce qui arrive une fois sur deux. Je pense qu’ils ne voient pas le bac, qu’ils n’en prennent pas conscience. Peut-être que ça ne leur tente pas et c’est correct.
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Ils ne font certainement pas exprès de ne pas le voir et de ne pas le ranger. De percevoir leur comportement de cette façon serait pour moi de tombée dans mes blessures. Ça serait une vision égocentrique et immature de leurs comportements. Leurs comportements n’ont pas rapport avec moi, mais avec eux.
Quand j’étais jeune, j’avais besoin de sentir que j’avais du pouvoir sur ma vie et c’était ce qui motivait certains de mes comportements. Avoir du pouvoir sur notre vie surtout quand on est jeune et petit physiquement est essentiel à la construction saine de l’estime de soi. En leur donnant sans cesse des directives, on les dérobe de cette opportunité et on brise petit à petit leur estime de soi.
Julie xo
Déjà dans mon enfance je savais intuitivement que la violence faite aux enfants et pas seulement celle qui laisse des traces sur le corps avait un impact négatif, et ce tout au long de la vie. Cette violence, acceptable pour une grande partie de la population, que j’ai vécue dans mon enfance a fait en sorte que j’avais une très faible estime de moi-même, que j’avais tendance à broyer des idées noires et que j’avais des croyances sur moi-même, sur mes capacités, sur ma valeur et tout, tout, tout, très négatives. J’étais loin de me douter qu’un jour la science allait prouver ce qu’intuitivement j’avais compris depuis longtemps.